PLATINE ET PLATINOÏDES

PLATINE ET PLATINOÏDES
PLATINE ET PLATINOÏDES

Le platine est un métal précieux, c’est-à-dire un métal auquel deux caractères dominants confèrent un prestige et une valeur qui furent à l’origine les attributs exclusifs de l’argent et, plus encore, de l’or: rareté et inaltérabilité. Cette dernière propriété permet à ces métaux de conserver leur éclat dans des circonstances où tous les autres se ternissent ou se dégradent et d’exister dans le sol à l’état natif.

Son titre de noblesse ne fut pas attribué sans réticences au platine. Il fut découvert par les Indiens d’Amérique du Sud, bien avant l’arrivée des Espagnols, qui furent les premiers Européens à le connaître lorsqu’ils s’établirent en Nouvelle-Grenade (maintenant Colombie). Ils lui donnèrent le nom de platina , diminutif du mot plata , argent. Afin de marquer le peu d’intérêt que présentait ce métal inconnu à leurs yeux et par crainte de voir des faux-monnayeurs le substituer à l’argent, ils commencèrent par le jeter à la mer.

Pour les chimistes, le platine (Pt) fut un sujet d’études fructueuses. Ils reconnurent qu’il était accompagné le plus souvent, dans la nature, de métaux aux propriétés voisines qu’on appelle les platinoïdes, ou métaux de la mine du platine. Ce sont le palladium (Pd), le rhodium (Rh), l’iridium (Ir), le ruthénium (Ru) et l’osmium (Os). Ils découvrirent la richesse de la chimie de ces éléments nouveaux: la variété de leurs sels et leur pouvoir catalytique. Ils mirent au point des procédés de séparation et de purification qui, malheureusement, ne fournissent ces métaux que sous forme de poudres appelées «mousses» ou, dans les pays anglo-saxons, «éponges».

Pour pouvoir les utiliser, il fallait parvenir à élaborer des pièces compactes. Les techniques de fusion traditionnelles échouèrent en raison des températures très élevées nécessaires, et les métallurgistes durent inventer des procédés et des appareils nouveaux: la métallurgie des poudres et le chalumeau oxhydrique.

Aujourd’hui, par suite de leurs propriétés uniques et malgré leurs prix très élevés, les platinoïdes sont essentiellement employés dans l’industrie, et seule leur rareté vient limiter le développement de leurs utilisations.

1. Ressources minières

On trouve le platine à l’état natif en Colombie, en Alaska, en Éthiopie, aux Philippines, etc., inclus dans des roches magmatiques ultrabasiques ou concentré localement dans les sables et graviers alluviaux produits par la désagrégation de ces roches. Cette source n’assure plus guère à l’heure actuelle que 2 p. 100 de la production mondiale. Celle-ci provient presque exclusivement de minerais très complexes où dominent le fer, le nickel et le cuivre, dont les principaux gisements se trouvent en Sibérie, au Canada et en Afrique du Sud. Le palladium domine dans les minerais russes et le platine dans les minerais africains.

Les teneurs en platinoïdes des divers minerais sont très variables. Les minerais canadiens sont exploités avant tout pour le nickel qu’ils contiennent, et les platinoïdes (de 0,5 à 0,8 g/t) apparaissent comme des sous-produits de cette extraction. Il n’en est pas de même en Afrique du Sud, où des teneurs de 5 à 10 grammes par tonne font du platine et des métaux de son groupe la principale richesse de ces minerais.

La production mondiale en platinoïdes est difficile à chiffrer (tabl. 1 et 2), dans la mesure où l’un des principaux producteurs, l’ex-U.R.S.S., ne communique pas de chiffres de production. En revanche, les ventes annuelles effectuées par l’ex-U.R.S.S. pour l’ensemble des platinoïdes sont connues. L’offre mondiale de platine s’élevait à 120,6 tonnes en 1992, les principaux producteurs étant l’Afrique du Sud (87 t), la Russie (23,25 t) et le Canada. Les productions relatives des différents platinoïdes sont constantes, notamment pour l’Afrique du Sud, principal producteur, où l’on extrait 1 rhodium pour 18 platine et 1 palladium pour 2,5 platine.

2. Propriétés

Les platinoïdes ont des propriétés chimiques très voisines, ce qui rend leur séparation difficile. Leur caractère le plus apparent est leur inaltérabilité. Le platine peut être chauffé au-delà de son point de fusion sans que sa surface se ternisse. La mise en solution de ces métaux est donc très laborieuse et exige l’utilisation de réactifs spéciaux, particulièrement agressifs.

Une fois en solution, les platinoïdes peuvent former d’innombrables sels «complexes». Ces métaux facilitent ou orientent de très nombreuses réactions chimiques par leur simple présence (pouvoir catalytique).

Les platinoïdes sont des métaux réfractaires. Leurs points de fusion vont de 1 554 0C pour le palladium à 3 056 0C pour l’osmium. Le platine fond à 1 772 0C. Par leurs densités, les platinoïdes se divisent en deux sous-groupes: des densités comprises entre 12 et 12,45 pour le ruthénium, le rhodium et le palladium, d’une part, et des densités respectives de 21,45, 22,61 et 22,64 pour le platine, l’osmium et l’iridium, d’autre part.

D’autres propriétés permettent de rapprocher deux à deux les platinoïdes. Le ruthénium et l’osmium sont des corps très durs, cassants, qui possèdent chacun un oxyde, étrange par sa volatilité dès la température ordinaire et par son aptitude à réagir avec les corps organiques, d’où sa toxicité et son emploi en biologie pour révéler les cellules nerveuses sous le microscope. Le rhodium et l’iridium sont difficiles à travailler. Le platine et le palladium, en revanche, sont des métaux extrêmement ductiles et malléables. Ils se prêtent particulièrement bien à l’obtention de fils fins et de bandes laminées minces. Les techniques de la chaudronnerie traditionnelle permettent d’en faire des récipients aux formes variées.

3. Prix

Les prix des platinoïdes ont connu des fluctuations importantes. Le platine, métal de peu de valeur à la fin du siècle dernier, a vu son prix passer de 35 dollars par once troy (31,103 g) au cours de la Seconde Guerre mondiale à 150 dollars en 1977; après un pic en 1979, il redescend aux environs de 400 dollars l’once en 1984. En 1991-1992, le cours reste stable et oscille autour de 370 dollars l’once (cf. figure). Les autres platinoïdes ont sensiblement suivi les mêmes variations (le palladium oscille autour de 110 dollars l’once). La hausse brutale du cours du platine correspond à une période où la demande industrielle a été plus forte que la production mondiale, lorsque les États-Unis ont utilisé de grandes quantités de platine pour la dépollution des gaz d’échappement automobile.

On se fera une idée des prix relatifs des différents platinoïdes en se reportant au tableau 3.

4. Applications

De 1955 à 1980, la production mondiale en platinoïdes avait augmenté de 850 p. 100, ce qui reflétait l’énorme expansion de leurs utilisations industrielles. Bien que ce soit l’industrie qui consomme les plus grandes quantités de platinoïdes (tabl. 4), le Japon en a consommé environ 19 tonnes au cours de l’année 1982 pour la bijouterie , sous forme d’alliages tels que le Pt-Ir (10 p. 100) et le Pt-Ru (5 p. 100).

La plupart des industries qui utilisent les métaux précieux les récupèrent après utilisation: ces métaux, après affinage, sont recyclés. Ce ne sont donc pas des matériaux consommables et seule leur acquisition constitue un investissement. C’est uniquement au niveau des nouveaux développements ou des accroissements de production qu’il est nécessaire de s’approvisionner en nouveaux métaux.

C’est l’industrie automobile qui consomme aujourd’hui le plus de platine. Elle n’en utilisait pas en 1970, alors qu’en 1980 elle en consommait près de 15 tonnes par an, et dans les années 1990 une cinquantaine de tonnes. Cette consommation est, pour l’essentiel, apparue avec la mise en vigueur progressive des catalyseurs de postcombustion automobile en fonction de nouvelles normes antipollution adoptées par les États-Unis à partir de 1979 et par l’Europe en mars 1985. Le platine est utilisé pour diminuer la pollution créée par les gaz d’échappement des moteurs à essence (oxyde de carbone, hydrocarbures et oxydes d’azote).

On distingue principalement deux types de catalyseurs:

– les catalyseurs d’oxydation à base de platine et de palladium, à raison de 2 platine pour 1 palladium, qui ont pour but d’oxyder le monoxyde de carbone et les hydrocarbures;

– les catalyseurs tridirectionnels oxydants vis-à-vis du monoxyde de carbone et des hydrocarbures, mais aussi réducteurs vis-à-vis des oxydes d’azote; ceux-ci sont à base de platine et de rhodium, à raison de 5 platine pour 1 rhodium.

Les demandes en rhodium qui étaient devenues très sensibles à partir de 1978, d’où une envolée des cours, ont diminué à cause de la chute de la demande dans la chimie, l’électronique et la miroiterie. La production sud-africaine et nord-américaine s’est maintenue; la production sibérienne s’est effondrée.

Le platine est également largement employé dans l’industrie chimique , notamment du fait de ses propriétés catalytiques. En catalyse hétérogène, le platine, allié ou non au rhodium, est utilisé sous forme de toiles tissées pour l’oxydation catalytique dans l’ammoniac et pour la fabrication de l’acide nitrique. Ce procédé est à la base de la production industrielle des engrais, des explosifs, des colorants. Également sous forme de toiles, le platine sert à produire l’acide cyanhydrique, produit de base de certaines matières plastiques et de sels pour les dépôts galvaniques. En catalyse hétérogène, sur un substrat à grande surface spécifique, le platine est utilisé en hydrogénation sélective dans la chimie des pesticides, des herbicides, des colorants synthétiques et des produits pharmaceutiques (vitamines, antibiotiques). Le ruthénium est largement utilisé, sous forme de chlorure, comme catalyseur dans l’industrie du chlore et des chlorates. Le palladium sur charbon actif est utilisé comme catalyseur dans l’industrie pharmaceutique.

En chimie moderne, l’utilisation des catalyseurs à base de métaux précieux devient de plus en plus grande, et principalement en catalyse homogène. Le catalyseur agit alors dans la même phase que les réactifs et assure, le plus souvent, une très grande sélectivité, tout en opérant dans des conditions plus douces de température et de pression. On peut citer la synthèse de l’acide acétique, produit de base de l’acétate de vinyle ou de cellulose, obtenu par oxydation de l’éthylène sur du palladium ou par carbonylation du méthanol grâce à un catalyseur rhodium.

L’industrie pétrolière emploie de grandes quantités de platine, qui permet, dans les réactions de réassemblage des hydrocarbures, l’obtention d’essence à haut indice d’octane. De plus en plus, des catalyseurs sélectifs sont utilisés, notamment le bimétallique platine-rhénium.

Dans l’industrie du verre , le platine et ses alliages avec le rhodium sont utilisés pour constituer des appareils qui résistent, à haute température, à l’action de l’atmosphère oxydante et du verre fondu, sans polluer ce dernier. Le platine pur est utilisé chaque fois que l’on craint des colorations du verre par d’autres éléments tels que le rhodium. Allié au rhodium, le platine est utilisé pour réaliser des filières destinées à la production de la fibre de verre, utilisée pour le renforcement des plastiques employés comme matériaux de construction ou encore pour réaliser des paniers destinés à la fabrication de la fibre d’isolation, également employée dans la construction. Une autre application voisine est celle des creusets de platine de haute pureté qui servent à élaborer les fibres optiques.

Des creusets de platine sont aussi utilisés pour le tirage de monocristaux d’oxydes réfractaires, de fluorures et d’iodures. L’iridium, pour sa part, est maintenant utilisé sous forme de creusets pour l’élaboration de monocristaux dits G.G.G. (grenat de gadolinium et de gallium), destinés aux mémoires à bulle en électronique, ou encore pour l’obtention de monocristaux de Y.A.G. (yttrium, alumine, grenat) utilisé pour les barreaux lasers.

Les métaux précieux sont biocompatibles, aussi sont-ils des matériaux de choix pour la médecine. Le palladium et les alliages palladium-or sont utilisés en prothèse dentaire. On utilise maintenant le platine en chimiothérapie, sous forme de complexes organo-métalliques tels que le cisdichlorodiamine de platine II (cis-Pt [(NH3)2Cl2]), plus connu sous le nom de cisplatine, pour le traitement spécifique de certains cancers. Les capsules de stimulateurs cardiaques sont également en platine.

Parmi les autres usages du platine et de ses alliages, il convient de citer les thermomètres à résistance et les couples thermoélectriques, qui permettent de mesurer des températures allant de – 260 0C à + 1 800 0C. Le palladium est utilisé, le plus souvent allié à l’or ou à l’argent, pour la réalisation de contacts électriques, pour la purification de l’hydrogène par diffusion à travers des membranes d’argent-palladium, pour la constitution des électrodes de condensateurs céramique multicouche en électronique . Le rhodium est souvent allié au platine pour améliorer les caractéristiques mécaniques de ce dernier sous forme d’alliage Pt-Rh à 10 ou 25 p. 100. Enfin, le platine reste le matériau de choix pour réaliser des électrodes dans les piles à combustibles. Malgré leur coût très élevé, les platinoïdes restent très largement utilisés dans beaucoup d’industries bien que, de plus en plus, on essaie de diminuer cette utilisation par souci d’économie en élaborant des matériaux doublés ou des matériaux renforcés par dispersion d’oxyde, par exemple, ou bien en envisageant des solutions de substitution partielle ou totale par des métaux communs, chaque fois que cela est possible.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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